Palombe&tradition N°76
Numéro d'Automne
2022
SOMMAIRE
4 L’écho des Cabanes…
10 DOSSIER TECHNIQUE - L’art de positionner ses appeaux
16 PASSAGE - À quelle migration s’attendre
20 INCENDIES -
20 - La forêt dévastée, des dizaines de palombières détruites
23 - Témoignage d’un sinistré
25 - SOS Palombières: De l’amitié à la solidarité
26 HISTOIRE - Au FEU!!!
28 LE COIN DES FILETAÏRES - Observations d’un paloumayre
31 Les Prévisions de passage du Paloumayre 2022
35 PALOUMAYRE D'ANTAN - Adieu tirasses, bonjour ressorts
36 RECHERCHE - Mieux comprendre notre chasse
38 Palombe en rimes
40 AUPRES DE NOS ARBRES - La dernière taille
42 REPRODUCTION - Les palombes de la piscine
44 PAROLES DE PALOUMAYRES - Jérome LAZARTIGUES
un passionné du filet
46 AUTOUR D'ELLES... - Sommes-nous prêts?
48 ANECDOTE - A la chasse aux champignons
50 CHIEN - La queue du chien: on la coupe… ou pas?
54 « LA TETE DANS LE CIEL... » -Tu pourras toujours le faire bouillir !...
58 LES RECETTES DU PALOUMAYRE
Edito
Le cœur en flammes
ue le cap Corse est beau et sauvage... Ici, début juillet, les rivières sont déjà à sec. En quête de fraîcheur, Je remonte
le ruisseau de Poggiolo qui se jette dans la Méditerranée à Miomo- dit avec l’accent lot-et-garonnais, j’entends d’ici mes amis corses se marrer-. Il fait chaud, très chaud, pas le moindre souffle d’air pour sécher le torrent de gouttes de
sueur qui ruissellent de mon front. Heureusement, tout le long du trajet, des belles bleues corses sont là, elles se déplacent sur mon passage. J’entame une conversation... cou cou coucoucoouuu... cou cou coucoucoouuu couc... Elles me répondent. après plusieurs échanges, l’une d’elle vient même se poser au-dessus de moi. Elle n’a visiblement pas eu de soucis avec mon accent lot-et-garonnais. Voyant rapidement qu’elle a été bernée, elle s’enfuit d’un claquement d’ailes, loin de ce bipède sans plume qui n’est même pas corse.
Il m’aura fallu pas moins de quinze minutes de marche dans le lit de la rivière à sec pour atteindre le Graal : une piscine naturelle d’eau fraîche de montagne dans un écrin de verdure. Le paradis... Nous sommes le 12 juillet 2022, c’est à cet endroit précis que j’ai appris par une notification sur mon téléphone que ma lande brûlait. A ce moment-là, j’étais loin d’imaginer quel monstre était en train de naître. J’ai passé le reste de mon séjour à scruter l’avancée de cet animal sauvage. À des centaines de kilomètres, on se sent impuissant et chaque nouvelle information désastreuse vous brise le cœur.
Mais peut-on vraiment faire quelque chose face à cet ogre qui avance sans pitié, dévorant tout sur son passage ? Comment peut-on agir contre ces incendiaires, qu’ils soient imprudents, stupides ou cupides ? Des femmes et des hommes se sont battus jour et nuit pour essayer de dompter l’indomptable, pour sauver les villes, les villages, les maisons, leur maison et des dizaines de palombières sont parties en fumée. Je n’ose même pas imaginer le sentiment de tristesse et d’écœurement dans lequel on doit être quand on se trouve dans cette situation. Quand, du jour au lendemain, le fruit de sa passion est anéanti. Toute l’équipe de Palombe&Tradition se joint à moi pour témoigner à toutes ces personnes notre soutien. En espérant que chacun puisse malgré tout vivre au rythme de la belle bleue d’une manière ou d’une autre cette saison.
Pendant ce temps, les organisations animalistes, « One Voice » en tête, ont toujours les chasses traditionnelles dans le collimateur et notamment la chasse de la palombe au filet. En janvier dernier, ils ont demandé l’annulation des arrêtés de 2006, 2007 et de 2009 relatifs aux chasses traditionnelles aux colombidés au filet dans tous les départements concernés, au motif de l’absence de justifications montrant que ces chasses respectent les critères de dérogation de la directive Oiseaux. Cette demande n’a pas eu de suite mais jusqu’à quand ?
Faut-il continuer à faire l’autruche en croisant les doigts ou en implorant un quelconque Dieu palombe afin que le pire n’arrive pas ? Ou bien faut-il réagir sans attendre ? Les chasseurs ont du mal à se mobiliser, nous avons pu le constater, vu le temps qu’il a fallu pour recueillir les 100 000 signatures nécessaires pour valider la pétition contre le financement des associations animalistes anti-chasse. Et certains rechignent à évoluer, comme on a pu s’en apercevoir lorsque l’information non confirmée selon laquelle il faudrait dès cette saison mentionner sur ChassAdapt les prélèvements palombes a couru sur les réseaux sociaux et a déclenché des hurlements indignés. Et alors, quel serait le problème ? Comment voulez-vous prouver que nous sommes des gens raisonnables sans être capables de fournir des chiffres sérieux de prélèvements ?
Mais nous sommes également capables du meilleur. Preuve cet incroyable élan de solidarité pour aider, accueillir ou même rééquiper les malheureux paloumayres victimes des incendies. Ce sont de tels signes qui prouvent une fois encore que nous constituons une famille de passionnés, prêts à nous serrer les coudes dans le mauvais temps.
Très bonne saison à tous.
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Joël Barberin, Directeur de la publication
Q
L’art de positionner ses appeaux (2)
Dans le numéro précédent, Christian Eymerie, paloumayre de l’ouest de la Dordogne, nous avait expliqué ses techniques pour positionner ses appeaux dans des feuillus autour de son jouquet. Cap au sud cette fois dans les Landes, au cœur de la forêt de pins maritimes, mélangés avec des feuillus.
L'approche sera différente car la configuration du bois est tout à fait autre. Nous allons aborder en premier le cas de bois exclusivement en pins maritimes. L’artificialisation de plus en plus grande de cette forêt, productivisme oblige, entraîne une régularité des peuplements en âge, en taille et en densité.
Autrefois, il existait des parcelles de pins plus ou moins régulières avec des trouées, voire des clairières, avec des arbres de tailles différentes. La plantation était très peu utilisée, on semait des graines ; des plants naissaient de façon plus ou moins régulière. Puis ils étaient dépressés pour essayer de les sauver de la végétation concurrente, surtout de la fougère. Par la suite, chevreuils et cerfs prenaient un peu le relais et finalement, on se retrouvait avec des parcelles pas trop homogènes mais qui produisaient tout de même du bois.
Les paloumayres affectionnaient ces zones irrégulières car chassant à terre, les différentes trouées étaient autant de possibilités pour faire des vues permettant de voir arriver les vols. En plus, comme dans les feuilles, les palombes adorent se poser dans ces endroits à niveaux et à densités différents. Elles peuvent se mettre sur les arbres dominants afin [...]
La forêt dévastée,
des dizaines de palombières détruites
En Gironde mais aussi dans les Landes, la forêt a été frappée par des gigantesques incendies au cours de l’été. Sur le secteur de Landiras, plus de 20 000 hectares sont partis en fumée et 7000 ha à
La Teste-de-Buch. Plus de 100 installations seraient parties en fumée
C‘était le 12 juillet à 16h35. C’est à ce moment précis que la forêt s’est embrasée en Gironde, sur la commune de Landiras, en bordure de la route départementale 115 reliant Landiras à Guillos. A La Teste-de-Buch, sur le Bassin d’Arcachon, les sapeurs-pompiers étaient déjà à pied d’œuvre depuis quelques minutes pour combattre un feu qui s’arrêtera au pied de la dune du Pilat après avoir dévoré 7000 hectares entre Cazaux et le Pyla-sur-Mer.
Mais alors que ces feux étaient maîtrisés, le cauchemar est reparti, le jeudi 11 août, à Saint-Magne. L’incendie baptisé Landiras 2 dévorera 7400 hectares de forêt supplémentaires autour d’Hostens et Belin-Béliet dans un secteur où 13 800 ha venaient tout juste de partir en fumée. Dans le même temps, à Mano, dans les Landes, la pinède s’embrasait sur plus de 300 hectares. Maisons et campings détruits, populations déplacées, ces incendies d’une ampleur inédite ont eu également des conséquences sur la faune. Beaucoup d’animaux, en particulier sangliers et chevreuils, ont péri dans les flammes tandis que d’autres ont été blessés. Une majorité a pu toutefois semble-t-il se sauver et s’enfuir vers des contrées [...]
A quelle migration s’attendre ?
Après un été caniculaire provoquant une
sécheresse exceptionnelle, que nous réserve la migration 2022 ? La saison risque d’être atypique pour ne pas dire chaotique. Au moins une seule chose est sûre, la reproduction des palombes installées en France a été particulièrement bonne
A l’heure où nous écrivons ces lignes, les canicules succèdent aux canicules, les records de chaleur tombent les uns après les autres, pendant que les champs et les bois ont pris des couleurs d’automne dès le début août. Même en Bretagne, les 40 degrés ont été atteints fin juillet et les hortensias semblent avoir été passés au lance-flammes. Résultat : les incendies se sont multipliés dans toute l’Europe, notamment dans le sud, en Grèce, Italie, Espagne, Portugal et ont dévoré également des milliers d’hectares chez nous, en particulier dans le sud-ouest avec les catastrophes de Landiras et de La Teste de Buch, (lire par ailleurs). Jamais nous n’avions été confrontés à de pareilles conditions démontrant si besoin était encore que le réchauffement climatique nous rattrape et va faire des ravages.
Petit message personnel : nous nous souvenons pourtant des ricanements des « climato-sceptiques » à la lecture de certains de nos articles il y a plus de 20 ans, lorsque nous travaillions au journal Sud-Ouest. Notamment d’une interview de Jean-Marie Pelt, célèbre professeur en biologie végétale et pharmacognosie, président de l’Institut européen d’Écologie, qui nous avait annoncé en l’an 2000 sous forme d’une demi-boutade que rapidement les vins de Bordeaux allaient titrer autant de degrés que les vins du Maghreb, le Boulaouane ou le Sidi Brahim. Éclat de rire général du monde viticole, le même qui aujourd’hui [...]