Palombe&tradition N°77
Numéro d'Hiver
2022
SOMMAIRE
4 L’écho des Cabanes…
10 DOSSIER MIGRATION 2022
- 10 - La déferlante bleue
- 18 - 3 millions de palombes franchissent les cols du Pays basque
- 20 - ITALIE - MAMMA MIA ! Que de palombes!
- 22 - Les paloumayres racontent leur migration
31 PALOUMAYRE D'ANTAN -Transport des appeaux sans bobos
32 Calendrier 2023
34 Palumbus Commix
36 PAROLES DE PALOUMAYRE - Francis LAHARIE, Le chasseur sans appelants
38 TRADITION 3.0 - Votre palombière en modélisation 3D
40 AUPRES DE NOS ARBRES - Incendies: Où étaient les écolos?
46 HISTOIRE - Palombes et sangliers même combat
48 AUTOUR D'ELLE... - A contre-courant
50 ANECDOTE - Quand un semi-volant devient volant
52 CHIENS - Éviter que le chien ne parte derrière un lièvre ou un chevreuil
54 «LA TÊTE DANS LE CIEL...» - Ce n’est pas un bois c’est une haie!
57 TRIBUNE LIBRE - Les aberrations du trimestre
58 LES RECETTES DU PALOUMAYRE
Votre palombière en modélisation 3D
Edito
«N’en jetez plus la cour est pleine»
ame palombe nous a encore surpris cette année. Comment trouver le meilleur superlatif pour résumer l’extraordinaire saison que nous avons vécue: vague bleue, déluge, tsunami, déferlante bleue? Chacun aura trouvé sa formule. En tout cas les palombes sont arrivées dans le sud-ouest dès le 7 octobre et ne se sont quasiment jamais arrêtées de passer, sauf quelques jours de grisaille où le robinet s’est légèrement fermé pour s’ouvrir dans le sud-est. A part cette légère accalmie, ce fut un flot incessant de vols chahutés par le vent de sud-est. La pose n’a pas été toujours facile et pour les départements où l’on chasse au filet, faire descendre les oiseaux au sol était souvent compliqué aussi.
Mais quel plaisir pour les yeux. Les seuls mécontents de cette situation étaient les appeaux, «n’en jetez plus, la cour est pleine» devaient-ils penser, complètement épuisés en fin de journée à force d’être agités. Ce fut également le dicton de certains paloumayres, qui, ayant atteint le nombre de prises nécessaires à leur bonheur, ne tiraient plus et préféraient profiter du spectacle, en sémeyrant pour le simple plaisir de voir les palombes se poser. Seuls quelques viandards ont continué jusqu’à plus soif, se vantant ensuite d’un nombre de prises déraisonnable, à la hauteur de leur stupidité…
Fin octobre et début novembre, ce sont d’immenses vols stockés dans les Landes et le piémont pyrénéen qui ont foncé vers les cols basques pour compléter l’image d’une saison exceptionnelle. Et les compteurs ont explosé avec plus de trois millions d’oiseaux ayant franchi la chaîne pyrénéenne. L’élevage intensif de pigeons ramiers relâchés ensuite dans la nature pour le plaisir des paloumayres, selon des naturalistes compétents qui nous veulent du bien, serait très certainement à l’origine de ce fantastique déboulé d’oiseaux bleus…
Beaucoup moins drôle a été l’annonce le 21 octobre de la nouvelle suspension par le Conseil d’Etat des arrêtés autorisant la chasse des alouettes aux pantes et matoles. Triste ironie du sort, cette interdiction est survenue au moment où des milliers et des milliers d’alouettes défilaient sur le sud-ouest comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps. Même si un petit espoir demeure pour la prochaine saison, le Conseil d’État a confirmé le 23 novembre l’annulation des arrêtés de 2021, jugeant sur le fond que ces « autorisations n’étaient pas conformes au droit européen sur la protection des oiseaux ».
Il ne faut pas se leurrer, les chasses traditionnelles sont ciblées par les associations anti-chasse qui ont trouvé là une proie facile à traquer en s’appuyant sur les directives européennes que nous avons trop longtemps méprisées. Nos belles histoires de passion pour un oiseau bleu et d’art de vivre au pays ne tiendront pas longtemps la route si nous ne sommes pas capables de nous montrer irréprochables dans nos comportements et responsables en tant que gestionnaires des espèces. On nous surveille, on nous attend au coin du bois, pour preuve la venue d’un certain Pierre Rigaux, spécialiste du reportage anti-chasse, qui s’est invité dans une palombière du Pays basque, à l’affût sans aucun doute du moindre détail pouvant lui permettre de dénoncer à la télévision des comportements de chasseurs sanguinaires se dissimulant sous la couverture des traditions. Pour cette fois c’est raté, mais jusqu’à quand?
Pour terminer sur une note plus optimiste et pour prouver peut-être que nous ne sommes pas de vulgaires sauvages coupés du monde moderne, nous avons réussi à modéliser en 3D une palombière afin de permettre aux paloumayres de se transformer en palombes approchant de leur cabane. Vous découvrirez tout sur ce procédé révolutionnaire dans ce numéro. Il faut savoir évoluer comme sait si bien le faire notre oiseau préféré.
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Joël Barberin, Directeur de la publication
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La déferlante bleue
La migration 2022 restera dans les annales comme exceptionnelle en densité et en intensité. Elle a balayé tout le pays et plus de 3 millions d’oiseaux ont franchi les cols basques
"Le soir du 18 octobre, nous nous sommes retrouvés dans notre palombière de Dordogne encore un peu hagards, abasourdis, comme sidérés par la journée que nous venions de vivre, raconte Jean-Louis. Jamais nous n’avions connu une Saint Luc pareille, avec 90 vols chassables sur notre cabane et des dizaines d’autres défilant plus à droite ou à gauche sur notre site. Un spectacle incroyable, avec des volées énormes chaloupant dans les rafales de vent de sud-est. Il faisait chaud, très chaud et pourtant le passage qui avait débuté à 8h45 a duré jusqu’à la nuit. Nous avons arrêté de sémeyrer alors qu’il passait encore des oiseaux. Les appeaux n’en pouvaient plus et commençaient à se pendre. C’était complètement fou. La veille, un ami de l’Allier m’avait téléphoné pour me conseiller de me tenir sur mes gardes. Chez lui, les bois étaient bleus de palombes. Il ne se trompait pas, le grand coup se préparait. Quel mot pour le qualifier ? Un déluge, un tsunami? Nous avons opté pour la déferlante bleue, en référence à la formule de vague bleue utilisée autrefois par nos anciens quand une grosse migration se déroulait le même jour d’est en ouest. Oui, c’était bien ça et nous ne sommes pas près d’oublier cette journée», avoue Jean-Louis. Effectivement, de mémoire de paloumayre, il y avait belle lurette que [...]
Votre palombière modélisée en 3D
Et si la technologie nous aidait à améliorer notre chasse. Visualiser votre poste en 3D, le faire pivoter, vous mettre dans la peau d’une palombe et voir les améliorations que vous pouvez apporter sur le terrain est désormais possible.
Les techniques de chasse à la palombe ont évolué au fil du temps, se sont ajoutés les ravageuses, les volières de sol, les pigeons sur fil, les pigeons volants, les caisses d’envol… Les cabanes se sont agrandies, sont devenues étanches, confortables, chauffées, parfois même avec l’électricité. Quel paloumayre n’utilise pas son smartphone pour suivre le passage sur palombe.com ou simplement appeler un ami pour voir le comportement des vols sur d’autres postes? De nos jours, la technologie est partout, pourquoi ne pas l’utiliser à bon escient pour améliorer sa chasse? Je ne parle pas d’installer une caméra qui détecterait les vols, sémèrerait en fonction de leur comportement et ferait vibrer votre téléphone quand le vol est posé, ni d’une IA (Intelligence Artificielle) qui étudierait les réactions des palombes sur le sol et qui choisirait le moment le plus opportun pour fermer le filet. Non, rien de tout ça, simplement un outil qui vous permettra S Qu’est-ce que la tradition? Est-ce reproduire et perpétuer des savoirs et des gestes de façon immuable sans chercher à les améliorer, en les conservant à l’identique, les mêmes outils, les mêmes matières, les mêmes rituels ? Je ne crois pas. 01 Master 77.indd 38 29/11/2022 11:32:44 PALOMBE & TRADITION - 39 depuis chez vous, devant votre ordinateur de visualiser votre poste en 3D, de le faire pivoter, de vous mettre dans la peau d’une palombe et de voir les améliorations que vous pouvez éventuellement apporter sur le [...]
3 millions de palombes
franchissent les cols du Pays basque
La migration de l’oiseau bleu a été historique cette saison. Le Groupe d’investigation sur la faune sauvage a recensé 3 millions d’oiseaux sur les quatre sites de comptage
Le ciel est bleu azur ce jeudi 10 novembre au col de Lizarrieta, à la frontière franco-espagnole, à quelques encablures de Sare, au Pays basque. A l’image du bleu de nos chères palombes qui déferlent sur les Pyrénées depuis trois semaines. Nous sommes à la veille de la fin des comptages assurés par le Groupe d’investigation sur la faune sauvage (GIFS). C’est le jour idéal pour accueillir les présidents et le personnel des fédérations de chasseurs de Corrèze (Robert Madupuy), du Lot-et-Garonne (Laurent Vicini) et des Pyrénées-Atlantiques (Philippe Etcheveste), à l’invitation de JeanLuc Dufau, président du GIFS et de la Fédération des chasseurs des Landes. C’est ici, à 441 mètres d’altitude, que le GIFS a décidé d’installer en 1999 l’un des quatre postes d’observation pour compter les pigeons ramiers lors de la migration. Sare avec Arnéguy, Banca et Urrugne fait partie des lieux stratégiques sur lesquels s’installent le GIFS et ses équipes composées des techniciens professionnels de treize fédérations de chasseurs de Nouvelle-Aquitaine et d’une partie de l’Occitanie, assistés des étudiants en gestion et protection de la nature du lycée agricole de Saint-Pée-sur-Nivelle. « Nous ne sommes pas capables de quantifier tous les oiseaux qui passent les cols, admet Valérie Cohou, directrice du GIFS. Depuis 23 ans, nous travaillons sur les mêmes sites à la même [...]